ZAN : des débats parlementaires aux solutions territoriales
Face à l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) d'ici à 2050 et à la complexité de sa mise en œuvre, plusieurs propositions de lois sont déposées et les débats législatifs sont longs.

Une mise en œuvre complexe
L’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols d’ici à 2050, fixé par la loi Climat et résilience en 2021, vise à équilibrer parfaitement artificialisation et renaturation. Cette loi impose une réduction de moitié de la consommation foncière entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente, avec un arrêt complet en 2050.
Cependant, la mise en œuvre du ZAN n’est pas une mince affaire. Les territoires ont dû faire face à un double écueil : l’absence d’outils financiers, fiscaux et réglementaires suffisants, et une instabilité permanente due à des textes partiels et des réformes correctrices.
Récemment, des propositions de loi ont été déposées comme la loi TRACE portée par le Sénat (voir notre article) et la proposition « pour réussir la sobriété foncière » déposée prochainement à l’Assemblée nationale, selon un article de La Banque des Territoires, membre associé du CNER. À noter que la loi TRACE a été transmise à l’Assemblée nationale depuis trois mois et que le dossier législatif est en attente depuis lors.
La proposition de loi « Pour réussir la transition foncière »
La loi TRACE a été adoptée par le Sénat le 18 mars 2025 et supprime, entre autres, l’objectif intermédiaire de 2031. En réponse à ce projet de loi controversé, les députées Sandrine Le Feur (Finistère) et Constance de Pélichy (Loiret) vont bientôt déposer leur proposition de loi « pour réussir la transition foncière » à l’Assemblée nationale. Ce texte reprend les propositions opérationnelles de leur rapport d’avril 2025.
Celui-ci souhaite doter les élus locaux, d’outils, notamment fiscaux et fonciers. La proposition comprend 23 articles répartis en trois titres.
Le premier titre vise à stabiliser le cadre légal. Il refuse les multiples dérogations de la proposition de loi TRACE et prolonge la mesure de l’artificialisation établie sur la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) pour la décennie 2031-2041. Il prévoit également une mutualisation de droit de la garantie communale et modifie la composition par défaut des CRG.
Le deuxième titre propose une transformation profonde du cadre fiscal en supprimant diverses exonérations fiscales contraires à la sobriété foncière, réformant la taxe d’aménagement (doublement du taux, taux spécifique élevé pour les zones urbanisées sur Enaf), généralisant et créant des taxes sur les friches, et élargissant l’assiette de taxes existantes. À l’inverse, il prévoit des exonérations renforcées de taxe foncière pour les terres agricoles sous contrats environnementaux, un crédit d’impôt pour réhabiliter les logements vacants. Une nouvelle dotation pour les communes préservant les Enaf est aussi prévue, modifiant un critère de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Le troisième titre propose de nouveaux outils pour les maires, tels qu’un droit de préemption sur les Enaf, la généralisation du sursis à statuer sur les demandes d’urbanisme entraînant une consommation foncière, un recours facilité à la procédure des biens sans maître, et des dérogations d’urbanisme élargies pour favoriser la densification douce.

Projet de loi sur la simplification de la vie économique : des amendements rejetés
Le débat sur le ZAN a suscité des séances houleuses à l’Assemblée nationale, comme celle du 27 mai 2025, lors de l’examen d’un projet de loi sur la simplification de la vie économique.
En effet, des amendements visant à supprimer le dispositif ZAN ont été déposés par le Rassemblement national et la Droite républicaine, arguant que la mesure était une « erreur monumentale » et « ruralicide ». Des manœuvres procédurales ont eu lieu pour repousser le vote. Finalement, le 28 mai 2025, ces amendements ont été largement rejetés (179 voix contre 127).
Il a été souligné que la loi nécessitait des ajustements pour être applicable, mais qu’il ne fallait pas y renoncer.
La démarche bretonne : une territorialisation pragmatique
Face à ce contexte législatif complexe, certains territoires, comme la Bretagne, ont choisi d’agir. La démarche bretonne, présentée dans une analyse issue de la Fondation Jean-Jaurès par Laurence Fortin, vice-présidente du Conseil régional de Bretagne, propose un exemple de territorialisation de la sobriété foncière.
Consciente de la finitude du sol, la Région Bretagne a engagé un travail partenarial étroit avec les porteurs de Schémas de cohérence territoriale (SCoT) au sein d’un collectif (« 26+1 » réunissant les 26 SCoT couvrant la quasi-totalité de la Bretagne et la région).
Cette démarche a reposé sur trois étapes : s’acculturer aux enjeux et contraintes, débattre pour lever les ambiguïtés et comprendre les spécificités locales, et construire des critères objectifs de répartition de l’effort de sobriété.
Ces critères considèrent la dynamique démographique et économique, l’optimisation foncière déjà atteinte, l’effort passé, l’indice de ruralité, la protection environnementale et la maîtrise des risques, et les capacités d’accueil en équipements.
L’approche bretonne a permis de différencier l’effort selon les réalités de terrain. Un fonds de solidarité foncière régional a été créé pour les projets d’envergure. La composition de la Conférence régionale de gouvernance a été adaptée localement, grâce à un amendement et avec l’accord des collectivités, et son rôle étendu.
Cette démarche démontre que la sobriété foncière ne peut être décrétée d’en haut : « elle doit être gouvernée par celles et ceux qui vivent sur leur territoire et le connaissent : l’horizontal, plutôt que le vertical ».
Au-delà de la répartition des hectares, la réussite du ZAN dépend de la construction d’une « boîte à outils » adéquate. Le contexte financier et réglementaire actuel favorise naturellement l’étalement urbain. Des outils fiscaux, financiers et réglementaires sont urgents.
Une consultation lancée en Bretagne en avril 2025 vise précisément à identifier les outils concrets manquants sur le terrain, organisés selon les trois piliers du développement durable (économie, social, environnement). Parmi les propositions figurent :
- La création d’un fonds régional de portage foncier;
- L’exonération de taxe d’aménagement pour le recyclage urbain ;
- La majoration de la taxe foncière sur les terrains constructibles non bâtis;
- La facilitation des surélévations et le soutien à la reconversion des friches.
Ces besoins rejoignent les constats du rapport Le Feur/de Pélichy, qui identifie trois nécessités majeures :
- La construction d’outils financiers et fiscaux adaptés (incitations fiscales pour la densification, lutte contre la rente foncière, moyens pour les friches et l’urbanisme circulaire) ;
- La simplification réglementaire (réduction des délais, clarification des documents d’urbanisme, sécurisation du recyclage urbain) ;
- Un besoin d’ingénierie territoriale renforcée (formation des élus et techniciens, mutualisation de l’ingénierie).
L’expérience bretonne et les constats partagés par d’autres acteurs montrent que le ZAN est possible, mais à trois conditions : stabiliser le cadre normatif, faire confiance aux territoires et outiller les élus locaux.
Ces débats autour du ZAN risquent de se poursuivre et le CNER se tiendra informé de la suite législative qui permettra une meilleure en œuvre de cet objectif ambitieux.
